1995.

    Le jour se lève sur le petit immeuble haussmannien, le marmot baille et babille avant de retomber dans sa somnolence tranquille et innocente. Par les stores passent la faible lueur du petit matin, on entend quelques chants d'oiseau, c'est l'été qui s'éveille dans sa splendeur caniculaire et son soleil hurlant.
L'homme est face au berceau, il regarde l'enfant pensivement, lui caresse parfois la joue, gentiment. L'homme est grand, a la peau pâle et l'ossature fine, un visage très harmonieux et fin, et ses boucles brunes cachent, comme par pudeur, ses yeux gris, humides et tristes. L'enfant se retourne et la main de l'adulte se lève, hésitante, comme apeurée de réveiller un monstre endormi. Mais la respiration tranquille du bambin continue, paisible et assuré.
Une tache apparaît sur l'oreiller, une petite goutte d'eau qui change le bleu ciel du drap en une couleur plus sombre. Si l'on avait suivi la trajectoire de la chute de ce minuscule élément aqueux, l'on aurait pu la voir se former au coin de l'œil de l'homme, glisser le long de sa joue et s'écraser sur la literie. Mais personne ne fut là pour admirer ces pleurs silencieux ce matin-là, personne ne fut là pour entendre la porte claquer doucement, comme un petit son feutré qui clôt un avenir radieux, comme un murmure pour dire que c'est fini, plus rien ne sera jamais comme avant.
C'est ce jour-là que papa est parti.